Takeshi Wakamatsu
Doctorant en Philosophie. Université Toulouse Jean-Jaurès, laboratoire ERRAPHIS.
Sa thèse porte sur le bonheur chez Maine de Biran
Résumé de la thèse
Qu’est-ce que l’originalité de la philosophie chez Maine de Biran ?
François Azouvi dit, « […] les philosophies sont des réponses à des questions qui ont une date, un contexte, des référents intellectuels et historiques. Leur pérennité – c’est-à-dire leur capacité à durer – n’a rien à voir avec une quelconque intemporalité. Il n’y a rien d’original dans la formation du problème que Maine de Biran place au cœur de sa philosophie. Mais la solution qu’il invente à ce problème suffit à conférer à son œuvre toute l’originalité et toute la consistance dont elle a besoin pour qu’il vaille la peine de s’y arrêter » 1. Mais si la formation du problème est complètement structurée par le contexte intellectuel et historique, la solution correspondante à ce problème est-t-elle aussi structurée par ces derniers ? Azouvi a bien compris la relation entre le problème et la solution. Il trouve son originalité dans « l’effort comme causalité « hyper-organique » », introduit par l’intermédiaire de la théorie épistémologique de trois « points de vue » 2, « que nous distinguerons dans la science de l’homme : successivement, et en allant de l’objectif vers le subjectif, la physiologie, la science mixte, et la psychologie » 3. Certes, il explique bien la genèse de la philosophie de Maine de Biran mais ses œuvres sont-elles seulement inspirées par le contexte intellectuel et philosophique ? Sa recherche philosophique même où trouve-t-elle véritablement sa source ? Pourquoi choisit-il la philosophie comme fil d’Ariane et non pas la religion ou la politique ? N’est-il pas un peu réducteur de limiter l’analyse de la structure de ses œuvres au seul contexte intellectuel et historique ? Ne faudrait-il pas étendre le champ de cette analyse en prenant compte de l’évolution de la pensée de l’être sa vie durant pour mieux comprendre sa philosophie et par là même sa pensée et son âme ?
L’interprétation de ses œuvres philosophiques présente plusieurs difficultés comme l’unité de sa philosophie en dépit de ses conversions 4, le problème de la passivité et de l’affection 5 ou encore la théorie de la croyance et de l’absolu 6. Mais il convient de mettre entre guillemets ces difficultés pour mieux les élucider afin d’être à même de pouvoir repérer ces prises de positions dans la pensée de Maine de Biran. Ces difficultés sont bien générées par la problématique philosophique non seulement à cette époque, mais aussi de nos jours. Les interprétations sont aussi réduites aux problématiques de cette époque comme sa pensée et ses œuvres. Certes, le progrès des interprétations féconde l’entendement de ses œuvres philosophiques, et avance et approfondit les idées philosophiques mêmes, mais en même temps lie les problématiques de chaque époque et en fond un agrégat bien compliqué. Avant d’essayer de dénoter directement cet agrégat au point de vue contemporain, nous devons commencer à construire le cadre historique de cette époque suivant toutes ses écritures : non seulement ses œuvres philosophiques, mais aussi les journaux, les cahiers et les lettres. Mettons de côté le fait qu’il est un philosophe très connu de nos jours. Ce n’est qu’un des plusieurs effets de l’interprétation dans le contexte de la problématique philosophique. Si on le regarde seulement en tant que philosophe, on le comprend rétrospectivement à la manière trop limitée et étroite pareil à ses contemporains. Le regarder comme un homme de son époque qui vit au quotidien sa vie à la fin du XVIIIe siècle, notamment pendant la Révolution, et aussi le découvrir à travers la lecture de ses journaux et de ses cahiers c’est déjà mieux le comprendre. C’est après ce travail que l’on peut situer sa philosophie dans toute sa vie. La problématique philosophique biranienne, mentionnée ci-dessus, est-elle celui de Maine de Biran ? Ou peut-on la resituer dans le contexte du XVIIIe siècle ? La problématique est-elle justifiée après cette opération ? Le but de ma thèse n’est pas l’élucidation philosophique sur la théorie et l’idée de Maine de Biran, c’est la systématisation de sa vie et de sa pensée dans le contexte de cette époque, à la manière philosophique et un peu littéraire.
Notes
1 François Azouvi, Maine de Biran, la science de l’homme, Paris, Librairie Philosophique Vrin, 2000, 482 p., p. 12.
2 Ibidem, p. 71.
3 Ibidem, p. 111.
4 Henri Gouhier, Les conversions de Maine de Biran, Paris, France, J. Vrin, 1947, 440 p.
5 Michel Henry, Philosophie et phénoménologie du corps : essai sur l’ontologie biranienne, Paris, France, Presses universitaires de France, 1965, 308 p.
6 On peut voir un abîme d’interprétation sur la théorie de la croyance, par rapport au celle de l’absolu.